dimanche, décembre 17, 2006

L'en dessous admirable

Voici une de mes dernières peinture en direct dont l’histoire me semble intéressante au niveau technique.

C’était un soir où j’étais terriblement triste. J’étais bouquée pour une peinture en direct à l’Inspecteur épingle et ça ne me tentais fichtrement pas. J’avais plutôt le goût d’aller déprimer pathétiquement dans un coin et m’apitoyer en solitaire sur mon sort. Mais bon, quand t’es bouquée t’es bouquée et je me rendis à l’Inspec en traînant de la patte.

D’habitude je sais d’avance ce que je vais peindre mais là j’en avais aucune idée. Comme j’étais tellement déprimée, il n’y avait guère de place à l’avènement d’une quelconque idée d’image. Je me dis que la meilleure solution consisterait donc à peindre cette tristesse directement et je commençai à faire un autoportrait témoignant de ma misère.

Il advint cependant cette chose étrange que plus je peignais, plus ma tristesse se transcendait. Elle sembla s’écouler de moi pour s’en aller habiter le portrait si bien qu’à la fin, je n’étais plus triste du tout. C’est fou hein ? Mais ce que je trouve le plus intéressant, c’est que cette transformation d’état d’âme est apparente dans l’expression du personnage ; une expression très précise de tristesse transcendée. Ça a fait ça tout seul.



J’avais pensé l’appeler justement « tristesse transcendée » mais mon amie Loula qui a acheté cette toile voulait un autre titre : « L’en dessous admirable. » J’aime beaucoup ce titre mais appeler un autoportrait comme ça, ça fait un brin … ché pas mais tsé ... Nous dirons donc que « L’en dessous admirable » n’est pas un portrait de moi mais de quelqu'un d’autre et que ce qui est le plus admirable dans l'en dessous au bout du compte, c’est l’insondable immensité des bénéfiques pouvoirs de la peinture.

Ps- À la suite de ce billet, certains ami-es adorables m'ont dit s'être un petit brin inquiété-es pour moi. C'est vraiment trop gentil mais il n'y a nulle inquiétude à avoir car c'était juste un soir et puis après tout la tristesse fait partie de la vie ; et au bout du compte, même si je n'avais pas la peinture j'ai la chance immense d'être si bien entourée qu'il m'est impossible de rester chagrinée bien longtemps : ) Je vous adore x x x

- Le saviez-vous ?

Si vous allez dans le Petit Robert à anarchiste vous trouverez ceci :

"Le Christ ? C'est un anarchiste qui a réussi. C'est le seul. " (Malraux)

Le Petit Robert mesdames et messieurs, rien de moins.

jeudi, décembre 14, 2006

Le Septyque, suite et fin.

Voici donc la suite du billet précédent.

La dernière toile c’est la cour des miracles. Cette toile immense, très fidèle à la description des personnages du roman, a été peinte dans un minuscule un et demi si bien que je devais ramper sous la peinture pour me déplacer d’un coin à l’autre de ma chambre ; et ça a duré des mois et j’ai cru n’en jamais voir la fin.

Dans le roman, la cour des miracles est le repère de tout ce que la société comporte de lie. Le bougre qui s’apprête à se faire pendre c’est Gringoire, poète raté, le personnage principal du roman juste avant qu’il ne soit sauvé par Esméralda.


J’ai exploré dans ces toiles les symboles de la psyché et de la spiritualité humaine et le plus intéressant je crois, c’est le symbolisme caché de l’œuvre. Une manière peut-être de rendre hommage à ce cinglé de Frollo qui tâte de l’alchimie et cherche sans répit les signes et secrets alchimiques cachés dans sa cathédrale.


Premier étage

Le point de départ c’est la cour des miracles. Les truands représentent toutes les tares, laideurs, bassesses et misères de la conditions humaine tandis que Gringoire symbolise l’humanité. C’est un peu comme si les ombres intérieures qui habitent l’humain s’étaient matérialisées en éventail autour de lui pour motiver sa désespérance et le pousser vers la mort.

Deuxième étage

C’est à ce moment qu’apparaît Esméralda qui sauve le misérable poète d’une mort certaine. Elle représente la foi qui est capable de transcender les moments les plus critiques de l’existence et même de naître directement au sein de la douleur. Par foi j’entend la foi naturelle et non pas la religion. J’entend la pureté du cœur, ressentir la beauté de la vie et la capacité d’émerveillement.

Elle est encadrée par les deux personnages qui précipiteront sa mort ; Phoebus par insouciance et Frollo par amertume. Ils représentent la façon que nous avons de tuer le meilleur de nous alors que les tours de la cathédrale qui surplombent les deux personnages représentent les aspects de la civilisation qui leur sont associés.

Phoebus à gauche symbolise la fuite dans les compulsions diverses. La part de civilisation qui prend racine en lui comprend tous ce qui nous éloigne de notre être grâce à des séductions vides et chatoyantes. Le capitalisme s’est en quelque sorte construit sur ce personnage en alimentant sans cesse les besoins imaginaires de consommation jouissive mais ce faisant, l’essence l’humanité est perdue, réduite exclusivement à ses besoins les plus primitifs. Le meilleur de nous-même est sali, jeté, ridiculisé comme si il n’y avait rien là de magnifique autre que l’emballage.

L’archidiacre pour sa part, symbolise la fuite dans la rationalité extrême et la recherche futile de la perfection. La part de civilisation qui prend racine en lui c’est la quête intense actuelle ultime : atteindre fouille moé quoi mais on va l’atteindre. La science débridée, la technologie effrénée, le clonage du prochain. Choses qui ne sont pas mal en soi mais qui deviennent monstrueuses lorsqu’elles s’élèvent en idoles divines. Cette quête absurde de devenir la perfection désincarnée nous rend aussi fous que l’archidiacre. L’être de chair ainsi muselé échappe à tout contrôle et dans sa soif délirante, écrase la gourde qui contenait le breuvage qui l’aurait apaisé. Le meilleur de nous-même est englouti, haï même car dans sa folie l’humain perçoit son humanité comme ce qui l’empêche d’être humain.

Troisième étage

Nous avons vu le symbolisme des tours, mais il reste Quasimodo qui représente l’animalité en nous. Il est en quelque sorte, notre croyance intrinsèque en l’imperfection de notre nature. La perfection n’est pas de ce monde disons nous et Quasi est le plus extrême emblème imaginable à ce dicton. Pourtant, de tous les personnages, malgré son corps et son esprit informe, il sera le seul à éprouver un amour réel, sincère et désintéressé. Il est le symbole de la nature animale-humaine que l’on méprise mais qui pourtant abrite le fameux « vrai » que nous cherchons si vainement là où il ne se trouve pas.

La cour des miracles, Esméralda et Quasimodo sont reliés par la corde qui passe dans chaque tableau. Objet de mort dans le premier, elle permet de grimper à l’étage suivant où l’humain rencontre le meilleur de lui-même et laisse danser son âme puis d’aller plus haut encore, là où sonnent les cloches ; où se transcende l’imperfection et où l’animal que nous sommes est rendu à sa plus haute nature. Ceci par contre, à la condition de ne pas avoir été figé par l’attrait d’une perfection futile qui exige de sacrifier sa nature profonde ou encore englouti par les plaisirs tout aussi futiles où nous entraîne cette même nature lorsque muselée, laissée à elle-même et privée d’esprit.

Le septyque de Notre-Dame résume ma vision de la quête spirituelle humaine actuelle et ce que j’espère en fait c’est que tout cela finira mieux que dans le roman de ce génial Victor Hugo…. ;)

jeudi, décembre 07, 2006

- Un Septyque de Notre-Dame

J’aimerais présenter maintenant ce que je crois avoir fait de mieux à date en peinture. Malheureusement, les photos sont atroces. C’est très difficile de photographier correctement des peintures et encore plus difficile quand elles sont aussi immenses que celle-là. Il s’agit d’une cathédrale en sept toiles (septyque) sur le thème de Notre-Dame de Paris. (12 pieds de haut, un an de travail). Pas inspiré par le show de Plamondon là car j’ai commencé les toiles longtemps avant, mais bien d’après le roman de Victor Hugo.



Le tout commence par une situation dégoûtante. J’avais passé une annonce dans le journal pour faire des portraits. Le premier client appelle et demande si je fais du nu. Ben quin, j’ai étudié les arts alors c’est sûr que je lui répond naïvement. Un vieux bonhomme arrive dans mon petit un et demi avec une bouteille de vin ( ???? Bizz) se déshabille (Bon) et commence à se tripotter sur mon lit ( Bahhh ! Non mais je rêve !). Je capotais un brin laissez-moi vous le dire, de voir le vieux bouc sur mon divan-lit, essayant qui plus est de me convaincre que je devais l’aider à conserver sa fermeté. (Et bien … hum Pas vraiment non, arrangez-vous tsé…heu , Pas capable ? Faites vous en pas, j’ai vu le genre je vais le faire de mémoire.… Non pas même pour 100$ désolé. NON ! Restez immobile oui comme ça parfait. Non ! Ne bougez pas, svp. IMMOBILE ! Merci … ) BEUHHH. Quelle horreur ! Un des trucs les plus nul qui me soit jamais arrivé. Après hein ceux qui appelait pour des nus … Nan. Connais pas. Jamais fait. Jamais vu, et puis j’ai 65 ans, je suis moche à pleurer et paraplégique, bye. Héhé.

Bref, en ménageant le chou et la chèvre, j’ai réussi à évincer le vieux et je me suis retrouvée avec un début de portrait pas du tout sexy de l'élévation du monsieur. Abominable à en faire des cauchemars. Je me suis dit que la meilleure façon d’annuler le tout serait certes de recouvrir l’affreux diable par la plus innocente et belle créature qui soit. C’est à mon avis la Esméralda qui correspond le mieux à cette description et c’est ainsi que je fis la première toile. C’est ensuite que j’eus l’idée de faire une cathédrale complète et tout le symbolisme religieux qui s’en suit.

(Quelques toiles sont différente de la photo d’ensemble car elles ont été retravaillées par la suite. Je suis un brin perfectionniste mais je crois que ça valait le coup.)

Voici en premier lieu la Esméralda et sa chèvre Djali. Peut-être parce que Djali est mon personnage préféré, j’ai dû la recommence au moins 25 fois avant d’être satisfaite. Esméralda est souvent représentée dans les interprétation comme une fille de caractère mais dans les faits elle est plutôt l’innocence même un peu comme un papillon d’été qui voltige au gré du vent. C’est un personnage étrange et mystérieux. Très difficile à cerner comme si elle se faufilait entre les lignes du romans, demeurant à sa façon inaccessible aux lecteurs.



Le second personnage que j’ai fait est Quasimodo, ici posé de manière exécrable. En vrai c’est autre chose. Je voulais que Quasimodo soit comme dans le roman et pas comme dans les interprétations Waltz Disney. Vous avez sûrement dans l’idée un Quasimodo pas très beau mais émouvant et gentil, un grand incompris. Et bien dans le roman, c’est pas du tout ça. Quasi il est si atrocement laid que même Esméralda dont il sauve la vie est incapable de supporter sa vue et encore moins sa présence. (tsé c’est de quoi pareil) mais surtout, il est terriblement méchant et sournois. (Et oui, on en apprend des choses sur ce blog) Il est tout suintant de malveillance sauf quand il sonne les cloches, là il se transcende.



Il y a ensuite le capitaine Phoebus et Fleur de Lys qu’il courtise. La jeune fille est de bonne famille alors que le capitaine est un courailleux de taverne mal embouché mais bien né. Phoebus n’aurait rien contre une petite aventure avec Esméralda alors que Fleur de Lys est férocement jalouse de la petite bohémienne.



Frollo est le méchant de l’histoire bien entendu. C’est un intellectuel qui a renié tout aspect charnel de lui-même. Les choses qu’on enterre refont souvent surface et Esméralda a la malchance d’éveiller l’amour corrompu qu’il a enchaîné au fond de lui. Il en devient fou et tentera par tous les moyens d’éteindre cette fâcheuse passion. On voit ici le misérable tourmenté par une rêverie pécheresse.



Bon… ça commence à être long tout ça… Je vous reviens avec la suite des toiles et le symbolisme caché de la cathédrale au prochain billet.

lundi, décembre 04, 2006

- Une histoire de crotte.

Ce soir dans la ruelle enneigée de mon vieux Quai, j’ai fumé ma première cigarette en manteau d’hiver. Vous me voyez venir et vous attendez à une diatribe enflammée mais je vais vous surprendre car je n’écrirai rien de ce que ce moment de triomphe du fasciste puritain m’inspire comme tel. Ce que je voudrais vous raconter à plutôt à voir avec la réflexion que j’eus alors sur la ruelle elle-même.

En voyant ma ruelle toute nimbée de blanc, je me suis plût à me rappeler les moments de joyeux délire dont elle fut témoin avant que l’hiver décolle. Il y en a moult et moult encore et encore d’autres et parmi eux je me suis demandé lequel de ces moments a été mon préféré. Après y avoir songé je dirais que c’est celui-ci :

Devant là où l’on fume, il y a un bloc appartement. À l’une des fenêtres, il y a un gentil monsieur qui met du pain sur le rebord si bien que tout l’été, il y a plein de moineaux qui squattent pratiquement dans son salon. C’est chou comme tout.



Ce qui est mois chou par contre c’est que juste au dessus du spot où on fume, le fil électrique est toujours rempli d’oiseaux ; résultat : on se fait chier dessus à longueur de soirée et même que j’irais jusqu’à gager un brun que les futés volatiles nous visent carrément.

Bref, c’était une soirée du début de l’automne, on était une petite gang tranquilos et comme à mon habitude j’avais emmené ma pinte de bière prendre l’air. Soudain, de l’extrême coin de l’œil, je vois que quelque chose qui ressemble à une merde vient de me tomber dessus. Je me regarde, je ne vois rien et là j’allume. Non, c’est pas possible ! Je lève ma pinte devant mon visage incrédule et Bingo, en plein dans le mille. Une chiasse dégoûtante se dissolvait peinarde dans ma PLUS QUE MOITIÉ de pinte, LA SEULE que je pouvais me payer.

Je vous jure, j’ai failli faire une syncope. Je suis venue livide de rage rien de moins. J’avais plus rien à boire, rien, que dalle, niet. En plus tout le monde se foutait de ma gueule pliés en quatre de rire. Crampés raides toute la maudite gang. Je voyais la fiente couler dans ma pinte et je n’avais qu’une envie c’était de garocher le verre après le mur mais je n’osai pas puisque ce n’est pas gentil alors j’ai garoché juste le contenu. J’étais bleue, verte rouge, ce qui ne faisait que rendre visiblement le tout plus drôle encore. Maudit que j’étais en crif. J’ai même été bouder accotée sur la poubelle pour tenter de me calmer, j’aurais tué quelqu'un. En plus y’avait personne à tuer dans cette histoire et j’allais quand même pas me mettre à haïr les oiseaux. Une rage sans objet, une colère nue et dévorante. Presque mystique comme truc.

Là Richard Desjardins reprend son sérieux, il me donne une tape sur l’épaule et me dit avec un beau grand sourire : « Laisse-moi soulager ta douleur »

Je vais vous dire ben franchement que niveau bière, autant j’ai pu être enragée pour la première, autant j'ai pu être contente de la deuxième : )