mardi, septembre 12, 2006

Analyse praxéologique de l'intervention des muses.



Aujourd’hui, j’ai envie de parler de praxéologie.

Hein ? De que cé ?

La praxéologie c’est la théologie qui s’interroge sur son rapport à la pratique. Sur le fait d’appliquer concrètement la théologie quoi. Dans les cours de praxéo, on prend une pratique qu’on pratique réellement (le plus souvent une pratique de pastorale) et on l’analyse consciencieusement. Pour se faire, on a plusieurs questionnaires à remplir. Ce sont des questions pointues qui analysent tous les aspects pratiques de la pratique.

Moi ma pratique, c’est l’art et c’est donc ma pratique artistique que j’ai dû praxéologiquement analyser. Ce qui est fascinant de cette conjoncture c’est que l’art ne répond pas du tout à une pratique bien définie et bien organisée. En fait on se retrouve en plein chaos organisationnel. Il me fallu donc patiner en crimme. Je relisais tout ça (parce que je fais ma maîtrise en praxéologie justement) et je suis tombée sur le questionnaire qui s’intéresse aux planification des activités. Voici ce que ça donne :

Question : Comment se planifient les activités dans le milieu de votre pratique ?

Rep : « Et bien, la pratique artistique ne planifie pas grand chose à part parfois des expositions. L’activité principale consiste bien sûr à peindre et cela advient naturellement. Nous dirons donc pour cette question que la planification est du domaine du « quand ça me tente ».
Bon … si je me force un peu pour dire de quoi qui a plus d’allure je pourrais aller jusqu’à développer le fait que vivre un événement quelconque peut inspirer une toile… mais c’est assez difficile de planifier le fait de « vivre un événement quelconque », et puis, heu … est-ce vraiment une activité ? »

Une autre question qui m’a bien fait rire est celle qui s’intéresse aux ressources de la pratique.

Question : Déterminez les ressources principales (matérielles, personnels, locaux et autres) nécessaire à la pratique et la manière de se les procurer.

Réponse : Il y a le matériel d’artiste dont je ne fait pas la liste puisque tout matériel est bon à prendre. Prenons la liste du stock chez Omer Desserre et voilà. Au niveau de l'espace, il y a le fameux atelier qui coûte une beurrée et où on peut faire tous les splash de peinture qu'on veut, espoir de tout artiste. Pour se procurer toutes ces merveilles, c’est simple, il faut de l’argent. Le problème c’est quand justement on a pas d’argent. Dans ce cas là, la ressource principale et essentielle c’est les poubelles de Montréal (l'atelier, on en parle même pas, on évite tout simplement de faire des splash dans sa cuisine). Pour se procurer ce matériel, il faut passer tranquillement sur les trottoirs le jour des poubelles et on ramasse ce qui peut faire l’affaire. Vieux tableaux, cadres, planches, vieille peinture à mur, broche … bref n’importe quoi qui s’applique sur de quoi ou sur quoi on peut appliquer de quoi ou qui se patente d’une quelconque façon. Voilà pour l’aspect purement matériel de la pratique.

À un autre niveau, la première et la plus essentielle ressource pour la pratique artistique est l’inspiration. L’inspiration est aux artistes ce que le dollar est à l’économie, ce que la subvention est aux organismes communautaires, ce que raisin est au vin : pas d’inspiration, pas de création. C’est LA ressource par excellence.

Alors qui distribue ce type de ressource ? Où trouve t’on les formulaires de « demande d’inspiration » ? Il faut bien voir que l’artiste est ici laissé à sa muse, mais comme le questionnaire exige des détails je vais tenter d’être plus précise parceque bien sûr, je tient à avoir de bonnes notes. Donc, sérieusement, où peut-on se procurer la ressource essentielle ?

Alors dans chaque évènements que nous vivons, se trouvent d’intangibles boulettes d’émotions sensibles dont l’existence resterait à prouver scientifiquement mais qui sont aisément reconnaissable à l’émoi qu’elles induisent. Chacun, chacune en ramasse de temps en temps mais les natures artistiques sont singulièrement douées pour débusquer ces petites baies frivoles et les moissonner lorsqu’elles passent. La récolte de boulette ainsi amassée est ensuite mystérieusement mise en fût dans les entrailles de l’artiste où elle macère tranquillement à plus ou moins long terme. Lorsqu’une muse passe par là, et voit que la liqueur est à point, elle se verse un petit verre en vous faisant la bise et ça y est, l’inspiration arrive et on peut se livrer à son art.



Pour s’assurer de la permanence des ressources les artistes, ont donc comme mission principale de veiller à la qualité des récoltes afin que les nobles passantes se désaltèrent à leur convenance. Chacun, chacune comme tout bon agriculteur a sa recette personnelle pour récolter et apprêter ses boulettes. Pour moi, les meilleurs lieux de récolte de boulettes c’est de me lever le plus tard possible, avoir de bonnes conversations avec des gens très bizarres, faire du pouce le long des autoroutes, fouiller dans les poubelles, lancer des sortilèges bidon, voir des rats, avoir des preuves qu’il y a encore de la magie dans le monde et faire des choses qui n’ont aucun sens mais qui sont parfaitement logiques. Tout cela fait que les boulettes d’émotions sensibles sont au rendez-vous et voilà comment je dirais que se gère la ressource principale en vie d’artiste.

D’accord, cela semble universitairement ridicule mais dans la pratique artistique, c’est bien ainsi que les choses se passent qu’est-ce que j’y peux moi … À preuve tout le monde connaît les grands crus artistiques que produisent les boulettes qu’on retrouve dans « Voyage au bout du monde » , ou encore dans « Rencontre d’une femme si belle… » et aussi dans « Quel pied que de se couper l’oreille » sans oublier le célèbre « Mon chum (ou ma blonde) m’a lâché ». "

J'ai eut de fort bonnes notes en praxéologie. Comme on voit, la théologie, n’est-ce pas, nous réserve des professeurs absolument formidables : )

2 commentaires:

Anonyme a dit...

Alors donc, c'est avec des boulettes que l'on taquine la muse! Cher Annie-Cloclo, tu me fais découvrir une nouvelle particule dans le réel artistique. Lâche surtout pas, tes élucubrations artistiques et praxéologiques m'émerveillent et ensoleillent mes journées. Marchello.

Annie-Claudine a dit...

Tes commentaires font de même pour ma journée à moi !

Merci X X X