Explorons un peu le concept de limite et faisons le avec ce qui est relativement illimité par nature : l’art.
J’aimerais vous parler de mes trois œuvres-limites favorites et en explorer un peu la nature et les intensités.
Commençons par la moins pire : La dernière cène de Marithé et François Girbaud C’est une reprise de la dernière cène de Léonard de Vincy. Elle s’inspire du Da Vincy code qui affirme que le disciple Jean à la droite de Jésus est en fait nul autre que Marie-Madeleine qui serait la femme de Jésus.
Au delà de la facture très esthétique de cette image magnifique, j’aimerais attirer votre attention sur le dessous de la table. Je suis vraiment fascinée par le jeu des jambes qui en général n’appartiennent à personne en particulier et sur la colombe. C’est génial.
La limite est ici atteinte par le biais des dispositions sexistes du christianisme car la photographie change (avec brio) les personnages masculins en personnages féminins.
Passons maintenant à Mauricio Cattelan. Cet artiste italien est très célèbres pour plusieurs œuvres qui ont fait scandale. Ce dernier a par exemple pendu des enfants (de cire) à un arbre à Séville. Il voulait par là dénoncer l’attitude irresponsable des humains envers l’environnement qui condamne les futures générations à une mort certaine. Citons également son fameux Hitler en prière qui souleva l’indignation générale et fut décrié comme « Une horreur travestie d’innocence, une perversion ».
Mais l’œuvre-limite dont je souhaite parler est la « nona ora » exposée en 1999 à Varsovie.
Nous pouvons voir le pape Jean-Paul II (alors régnant) écrasé par une météorite. Le message est clair et n’a pas besoin d’être mis en mot. J’adore la simplicité brute de cette œuvre et de son message. La limite est atteinte au niveau de la notion de hiérarchie.
Le meilleur cependant n’est pas l’œuvre elle même mais la réaction du public qui a transformé la « nona ora » en œuvre interactive. Imaginez vous donc qu’un groupe de catholiques très engagé a été tellement outré de cette installation qu’ils ont forcé la porte du musée et se sont précipités sur le pape pour le relever. Ils y sont parvenus mais pour y arriver, ils durent casser les jambes du pauvre Jpi. Je trouve ce fait proprement merveilleux. On te relève quitte à te CASSER LES JAMBES LOL ! J’adore ! C’est fabuleux ! Je défaille de joie !
La dernière œuvre que je propose à votre attention est la photographie de crucifix d’Andres Serrano exposé en 1988 dans le sud des États-unis.
Cette œuvre est simplement belle mais ce qui fait problème c’est son titre. Elle est intitulée « The piss christ ». Oui, vous avez bien lu ; ) Un crucifix dans le pipi. L’intérêt ici, c’est que la limite est dans le sens. Qu’est-ce que l’artiste a voulu dire ? Il ne semble pas s’être formellement prononcé sur la question. C’est donc à nous de décider.
Dans son sens premier. Ça peut être juste une insulte gratuite au crucifix et par extension au christianisme. « Je te pisse à la gueule » comme on dit. Dans ce cas ce n'est pas très intéressant, mais on peut penser un peu plus loin.
Cette œuvre peut remettre en contexte la nature infamante de la crucifixion qui est bien émoussée 2000 ans plus tard. Après tout les soldats romains n’ont pas dû économiser leur fluides lors de la flagellation ; et puis à tout prendre, pourquoi Dieu aurait-il peur du pipi considérant que c’est lui qui l’a créé ?
( Je fait ici un petit aparté sur ce type de limite qui siège dans le sens car j’ai appris en fin de semaine qu’une de mes amie, l’artiste Annie Brunet étudiante à l’UQAM, avait fait une performance artistique vidéo à thème religieux. Elle a prit des hosties (non-consacrées) et a demandé aux passants de cracher dessus. Au premier niveau, cela semble terriblement gratuit alors je lui ai demandé ce que cela signifiait exactement. Elle m’a répondu qu’elle souhaitait ainsi faire un lien avec le fait que la religion est d’une part en train de « crasher » au Québec et d’autre part, est responsable de nombreux « crash » historique de toutes sortes. Au deuxième et troisième niveau, les flirts-limites sont toujours beaucoup plus intéressants.)
Revenons à nos moutons. De ces trois œuvres, une seulement a suscité une sortie scandalisée du Vatican et a été frappée d’interdit. Laquelle ? Vous ne devinez pas ? Je vous le donne en mille. C’est la dernière cène de Marithé et François Girbaud. Et oui, incroyable mais vrai.
Faire pipi sur le Christ, ce n’est pas très gracieux mais bon… ; écrapoutir le pape sous un projectile divin au point que des fidèles pètent les plombs… passe encore, mais asseoir les femmes à la sainte table… Ça non alors ! SACRILÈGE ! Faut-il croire que la féminisation est plus dangereusement démoniaque que tout autres flirts-(autrement plus) limites ?
Ça c’est du sexisme mon ami !
Ce fait est particulièrement intéressant quand on sait qu’Andrès Serrano fut choisi, malgré le scandale du Piss christ, pour participer au collectif La chair et Dieu, une religieuse initiative de l’association Arts-Cultures et Foi en 2002 et que le Vatican n’a rien trouvé à y redire… On peut consulter l’exposition à cette adresse : http://www.artistes-en-dialogue.org/artinst.htm sur un site faisant partie des médias catholiques de France et hébergé par la conférence des évêques de France. Serrano y propose des bébés morts et de jolis cadavres à moitié découpés : )
Quand je vous disais qu’en théologie les limites sont une mine d’explorations fascinantes… ; )
ps- je tiens à dire que pour ma part, j'approuve ce choix de Serrano et félicite à ce titre l'église pour cette ouverture d'esprit remarquable.
lundi, avril 17, 2006
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3 commentaires:
Ce bon vieux Vatican: il a toujours les valeurs à la bonne place. Ça rassure...
Merci, Annie-Claudine, pour ces oeuvres originales, et esthétiques, ma foi!
Cracher sur des hosties... Si ça ne vous fait rien, je vais sauter mon tour. C'est trop dégradant de cracher sur quelque chose ou sur quelqu'un, quel que soit le message que l'on veut passer. Je préfère encore un simple regard désapprobateur, s'il y a lieu!
J'avoue que cracher sur des hosties c'est semi. Mais il n'y avait pas que ça dans cette performance. Le titre c'était onze crash mais il y avait aussi onze bas (on se bat)moment fascinant où l'artiste arrachait les bas de onze spectateur-es LOL ! Elles sont folles ces artistes ! Merci pour tes commentaires choupette X X X
Annie-Clau!!! Grands dieux du ciel! J'ai vu une expo de Serrano, hier, en vraie, dans une galerie de Mayfair où je prenais une marche ! Fuck!!!
www.gimpelfils.com
Il y avait une pietà dans la même couleur rouge-jaune... Wow!
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