lundi, juin 12, 2006

- Lettre au Quai des brumes



Mon beau Quai des brumes, je t’écris ceci écartelée entre la bière et la boucane. Je t'écris clouée, entre l'intérieur et le dehors. Crucifiée entre deux lieux, une moitié de trip dans chaque main, j'aimerais ici te parler entre quatre chaises. Depuis 16 ans qu'on se connaît, tu m'as fait vivre mes meilleurs aventures. Tu étais mon chez-moi, ma racine montréalaise, un oasis de gens de bien et un haut lieu d'alcoologie du Québec (l'alcoologie c'est de la brosse brillante).



Quand je filais pas tu me trouvais toujours quelqu’un de nouveau à rencontrer ou tu me sortais un vieux pote pour me faire rire, pour me consoler, pour philosopher et refaire le monde...




Nos aventures passionnées, bourrées de rebondissements et de conversations fascinantes rempliraient une histoire sans fin.



J’ai toujours été protégée et accueillie dans tes bras de tables et de chaises. J’ai toujours eut l’impression que tu m’as délivré le meilleur de moi-même.




Tu le sais mon Quai à quel point je t’aime, t’as qu’à le demander au fantôme des toilettes des filles, mais astheure que j’y pense à deux fois avant de sortir parce que je vais me faire ch… toute la crif de soirée, astheure que tu me jette dehors comme une affiche passé date pleine de chiures de mouches qui dépare NOTRE entrée des toilettes des gars..., astheure que sur la porte de la ruelle il est écrit : « Éloignez-vous de la porte sinon la fumée entre dans le bar », ... notre relation a reviré de bord.



Je vais encore m’asseoir au bord de toi juste parce que tu me manques mais je te sens comme un nouveau converti stressé. Je me sens comme quand on réalise que son meilleur pote vient de péter des plombs en rentrant dans une secte de dogmatiques pompés et qu’on sait que ça ne sera plus jamais pareil. Qu’on a plus accès à l’essentiel, que la complicité est disparue. Oui, c’est à ce point là.

Tu me regarde avec ton affiche collée sur la porte de la ruelle. Ce serait vraiment TRÈS grave que de la « fumée entre dans le bar » ; un bar plein de brumes depuis 60 ans… tsé…. des plan pour en mourir. C’est comme ton grand amour complice qui soudain te lance à la gueule que tu es dans le péché et que tu vas aller drette en enfer si tu te met pas à dire comme lui pis sa maudite gang de seuls-bien-pensants-au-monde.

Et bien mon Quai, je m’en vais te dire ce que je leur dit aux dogmatiques quand ils viennent m’informer que je vais aller en enfer si je pense pas comme eux: « M’as te dire bien franchement mon chum, ça va me faire plaisir d’aller en enfer et encore plus de boire un verre à ta santé avec mon vieux pote le diab. »



Oui, j’en suis à boire un verre à ta santé avec le diab mon Quai… tu réalises ?



Mais je sais bien que c'est pas de ta faute. Depuis le temps que tu abrites une méchante gang de joyeux, je sais tu as jamais vu un cibole de niaisage de même et que la brume te manque autant qu'à moi. Ques tu veux, t'es juste un lieu et les lieux, même ceux avec une âme comme la tienne, auront jamais leur mot à dire sauf que je le sais moi que ton cœur de bar se serre parce que parqués dans ma cuisine à fumer ou tassés dans la ruelle en troupeau au point de vider le bar, on te manque autant que ta brume.



Mais on va se retrouver mon beau Quai. Ça se peut que le Québec retrouve le nord pis qu’on réalise qu’avoir le choix est autrement plus important que d’imposer le BIEN ; mais dans le pire des cas, si on est vraiment devenus puritains pour toujours, il y a encore de l’espoir parce que je sais bien que toi aussi tu vas aller en enfer et là je te garantis qu’on pourras fumer ensemble comme on l’a toujours fait. Je t’emplirai de brumes et tu m’empliras de joie.



En attendant, je viendrai m’asseoir de temps en temps au bord de toi, entre la porte et les tables. Je penserai à comment tu étais avant de sombrer dans la démence dogmatique et mon cœur se serrera en pensant qu’on est bien partit pour aller pendre du monde au vieux port d’ici une couples d’années.

C'est une triste nuit qui s’étend sur mon peuple et la lune ne se lève même pas sur ma peine. Mon Quai, mon beau Quai tu me manques … Le nouveau Quai des Purs pas de brumes, c’est plus toi.



* Toutes les photos ont été prises au Quai.

2 commentaires:

Caroline a dit...

Quel bel hommage, je ne savais pas que tu étais poète!

Il ne te reste plus qu'une solution: venir fêter dans nos pubs!

Annie-Claudine a dit...

Bah, dis moi pas qu'à Londres vous avez le droit de fumer !!! C'EST PAS JUSTE !!! Ouinnn ! Snif